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3 décembre 2009 4 03 /12 /décembre /2009 13:46
un article de 2001, pour l'essentiel actuel
GUERIR PAR ELIMINATION : LES AMBIGUÏTES DU TELETHON

13 décembre 2001 | La Fondation de service politique

PARIS, [DECRYPTAGE/information] - Jane Birkin, marraine de l'édition 2001, donnera le coup d'envoi des " 30 heures de fête " 2001 du XVe Téléthon en direct du Parc de la Villette à Paris. Sans douter de la générosité de ses nombreux participants et du succès de certaines de ses réalisations, on peut cependant s'interroger sur la politique médicale suivie par l'Association française contre les myopathies (AFM), à l'origine du Téléthon.

L'AFM est présentée comme une structure finançant " une recherche fondamentale et de qualité sur l'ensemble des maladies génétiques " (Le Monde du 9 décembre 2000). De fait le Téléthon finance la recherche sur les maladies géniques, mais a cessé de s'intéresser aux maladies chromosomiques (soit la moitié des maladies génétiques) depuis 1997. Cette exclusion de la trisomie 21, qui est la première cause de handicap mental dans le monde (50.000 personnes en France), est surprenante. C'est le seul cas d'une maladie qui est loin d'être rare (1/650 naissances) mais qui est orpheline sur le plan financier.

Par ailleurs quand on lit dans le Monde que " l'AFM a partiellement à son actif les grands succès thérapeutiques de l'an 2000 " , notamment " la naissance en France du premier enfant en bonne santé à la suite d'un diagnostic préimplantatoire (DPI) " on doit s'interroger. En effet, Valentin, premier enfant né après DPI, est né indemne d'une maladie qu'il n'a jamais eue et dont la médecine ne l'a jamais ni soigné, ni guéri. Car le DPI est un tri embryonnaire qui permet de réimplanter un embryon sain et de supprimer ceux qui sont malades. Évoquer un succès thérapeutique, dû à la générosité du public, à propos de la naissance de cet enfant qui, rescapé, n'a jamais été malade, est curieux.

Déjà le Pr. Jacques Testart avait mis en garde. Dans Des hommes probables (Seuil, 1999), il écrit : " La mise en scène triomphaliste de victoires toujours promises sur le malheur est un argument qui ne correspond pas à la rigueur scientifique. Le Téléthon a d'abord présenté des enfants myopathes, appelant à la solidarité des téléspectateurs. Après quelques années, on a pu voir apparaître à l'écran des enfants heureux d'être normaux dont l'existence était annoncée comme consécutive à la générosité du public : ces "bébéthons" étaient en réalité les survivants du diagnostic prénatal, lequel les avait démontrés normaux in utero malgré leur conception par des "couples à risques" " …

Mais ce sont surtout les personnes handicapées elles-mêmes qui réagissent face à ce qu'elles perçoivent comme une violence à leur encontre. Dans le livre de Danielle Moyse (pourtant soutenu par l'AFM), les Personnes handicapées face au diagnostic prénatal (Erès), des handicapés témoignent à charge. Jean-Christophe Parisot, myopathe, prévient : " Si on me dit que l'AFM va se consacrer au dépistage anténatal dans un but de favoriser l'élimination prénatale, j'arrête tout de suite de donner et de me mobiliser. " Estelle C. n'a plus confiance : " J'émets une grande réserve quant aux "bébéthons" car on croit que c'est grâce à la recherche qu'ils ont guéri alors qu'ils sont le fruit d'une sélection ; et l'avortement thérapeutique en a fait disparaître bien d'autres. D'où la question : "Et si mes parents m'avaient avorté ?" Je suspecte la recherche scientifique d'être utilisée, non pas pour la recherche thérapeutique, mais pour une suppression des malades. "

Alexandra Kramoroff est révoltée : " Ce qui me gêne, ce sont les "bébéthons" que l'on garde s'ils plaisent, ou que l'on rejette le cas échéant… L'AFM est très ambiguë car elle réclame de façon excessive le matériel le plus cher pour les personnes handicapées et prône en même temps l'élimination des handicapés à venir… Comme si les adultes myopathes n'existaient pas. " Une autre jeune femme s'indigne : " En regardant une émission sur le Téléthon, j'ai compris. Il y avait toujours une kyrielle de beaux bébés qu'ils appelaient les "bébés miracles du Téléthon". […] Dans le bouquin, (sur l'aventure du Généthon) on pouvait lire que grâce au progrès, on pouvait empêcher les enfants de souffrir en ne les faisant pas naître… J'étais révoltée d'avoir envoyé de l'argent pour ça… "

Danielle Moyse et Nicole Diederich, auteurs de l'enquête menée auprès des personnes handicapées face au DPI, n'ont pas caché les effets de cette politique véritablement eugénique : " S'est-on ainsi préoccupé de savoir ce que ressentent les jeunes frères et sœurs myopathes, présentés souriants, des "bébéthons" valides "obtenus" par sélection prénatale ? Un de nos partenaires belges nous dira, à propos de cette comparaison entre "bébéthons" valides et enfants myopathes : "C'est d'une violence inouïe pour l'enfant myopathe !" "



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