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13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 08:00

 

"Qui fait en sorte qu'à longueur de pages, d'heures d'antenne radio-et-télédiffusées, le même sujet soit traité avec une constance qui donne la nausée? Que le psittacisme le plus monotone y règne? Que les intellectuels y sont tellement asservis qu'ils ne trouvent rien de mieux à faire que de s'épancher urbi et orbi en analyses de café des sports dont le premier supporter venu serait capable? Le jugement tombe sans appel: il s'agit d'un régime totalitaire. Pendant un mois, nos journaux, nos médias, à travers leur monotonie, vont ressembler à ceux de l'ex-RDA: du foot, du foot et encore du foot ; ce qui ne manque pas de rappeler la presse communiste: le parti, le parti, et encore le parti. La Coupe du monde est une singerie de l'univers totalitaire au sein même du monde libre."

Lire le coup de gueule du philosophe Robert Redeker.

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<br /> Robert Redeker est un professeur agrégé de philosophie. Dernier livre paru: Le Soldat impossible (éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2014).<br /> <br /> <br /> <br /> Que dit-on d'un régime politique qui cadenasse l'information jusqu'à ce qu'elle devienne unidimensionnelle?<br /> <br /> <br /> <br /> La Coupe du monde est une singerie de l'univers totalitaire au sein même du monde libre.<br /> <br /> <br /> <br /> Qui fait en sorte qu'à longueur de pages, d'heures d'antenne radio-et-télédiffusées, le même sujet soit traité avec une constance qui donne la nausée? Que le psiittacisme le plus monotone y règne?<br /> Que les intellectuels y sont tellement asservis qu'ils ne trouvent rien de mieux à faire que de s'épancher urbi et orbi en analyses de café des sports dont le premier supporter venu serait capable?<br /> Le jugement tombe sans appel: il s'agit d'un régime totalitaire. Pendant un mois, nos journaux, nos médias, à travers leur monotonie, vont ressembler à ceux de l'ex-RDA: du foot, du foot et encore<br /> du foot ; ce qui ne manque pas de rappeler la presse communiste: le parti, le parti, et encore le parti. La Coupe du monde est une singerie de l'univers totalitaire au sein même du monde libre.<br /> <br /> <br /> Elle est aussi une singerie de religion, comme le fascisme et le communisme, ces religions séculières, l'avaient déjà été en leur temps. Cependant elle se distingue des totalitarismes par le vide,<br /> le néant: fascisme et communisme se mouvaient encore dans l'univers du sens, transmettaient un message, visaient un horizon d'accomplissement de l'humanité en sa perfection, quand l'événement<br /> footballistique, qui n'a d'événement que le nom, ne traduit que le triomphe obscène du vide. De fait, la Coupe du monde est une assemblée universelle: toute l'humanité concentrée autour du calice,<br /> cette coupe Jules Rimet, que les vainqueurs, parodiant le prêtre pendant l'office, élèvent fièrement vers le ciel le jour de leur victoire. Pourtant aucun message spirituel ou intellectuel, aucun<br /> espoir pour l'humanité, aucune promesse pour la condition humaine, ne sortent de cette cérémonie kitsch, où l'on ne célèbre que le culte des marques, celui de la personnalité, et la loi du plus<br /> fort. La Coupe du monde de football est la singerie mercantile et vide, pitoyable et dérisoire, tissée de toc et de truquages, de l'idéal catholique: la réunion dans une fausse Eglise universelle,<br /> la communion autour d'un ersatz de calice, la liturgie autour de personnages insignifiants, les joueurs, ectoplasmes hissés à la sacralité des prêtres.<br /> <br /> <br /> <br /> La Coupe du monde de football est la singerie mercantile et vide, pitoyable et dérisoire, tissée de toc et de truquages, de l'idéal catholique : la réunion dans une fausse Eglise universelle, la<br /> communion autour d'un ersatz de calice, la liturgie autour de personnages insignifiants, les joueurs, ectoplasmes hissés à la sacralité des prêtres.<br /> <br /> <br /> <br /> Pourtant, loin d'être un spectacle anodin, le football est, dans l'ère du vide qui nous tient lieu d'époque, le spectacle-roi. La Coupe du monde est en effet le spectacle qui règne en maître absolu<br /> sur tous les autres spectacles: à la fois le spectacle absolu et le prototype, la matrice autant que la norme, de tous les autres spectacles. Quel est le contenu de ce spectacle permanent, qui ne<br /> nous lâche pas une seconde? Réponses: la vitesse, la quantité, la mesure, l'arithmétique, le classement. Bref, des notions de mathématiques et de physiques conçues comme le seul Evangile auquel<br /> nous sommes de tenus de croire. C'est au début des temps modernes, avec Galilée, pour qui «la nature est un livre écrit en langage mathématique», et avec Descartes, que l'univers se mathématise,<br /> que l'on conçoit qu'en lui tout se fait, selon les mots mêmes de Descartes «par figures et par mouvements». Les mathématiques sont autant le secret de l'univers que la clef d'accès à ce secret. Le<br /> football - avec son fanatisme du chiffre, du classement des personnes, des équipes et des nations, par les chiffres, avec la manie des statistiques accompagnant les commentaires pendant la<br /> retransmission des matchs à la télévision - se déploie, comme tous les sports, sous l'emprise de la conception mathématicienne de l'univers. La Coupe du monde spectacularise également la<br /> nationalité, les drapeaux, les hymnes, les couleurs de peau, autrement dit de l'idéologie politique. Enfin, elle met en spectacle la compétitivité, les performances, les vertus psychiques qui<br /> conditionnent la performance, bref de l'idéologie économique. Le football organise le spectacle des idéologies qui tout à la fois s'imbriquent et se font concurrence dans le monde actuel.<br /> <br /> <br /> Le football est le miroir magique dans lequel se montrent au vu de tous les traits les plus essentiels de ce monde moderne. Les yeux, paraît-il, sont miroir de l'âme. Dans le spectacle<br /> footballistique l'âme du monde moderne, mélange cruel et ludique d'infini et de compétition, parvient à la visibilité. Si le football est l'âme devenue planétaire de la modernité, alors la Coupe du<br /> Monde est à notre modernité ce que Lourdes et Fatima sont à la mariolâtrie: le lieu sacré où le cach&eac<br />
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