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27 décembre 2011 2 27 /12 /décembre /2011 11:33

Lettre ouverte

à Monsieur Emmanuel Dechartre

directeur du Théâtre 14 Jean-Marie Serreau
20, avenue Marc Sangnier, 75014 Paris

Monsieur le directeur,

le théâtre municipal que vous dirigez, théâtre de la Ville de Paris et subventionné par elle, a mis à son affiche, du 8 novembre au 31 décembre, la pièce Le Vicaire de Rolf Hochhuth, dont il nous semble que c’est la première reprise sur une scène française depuis sa création à Paris au Théâtre de l’Athénée en 1963.

Votre site Internet signale qu’il s’agit là « d’une fiction pour le théâtre interrogeant l’attitude du pape Pie XII pendant la seconde Guerre mondiale ».

« Fiction », assurément, le mot n’est pas trop fort. Ne serait-ce que par celle d’attribuer à Hochhuth la paternité d’une œuvre qui doit plus à Erwin Piscator qu’à son laborieux rédacteur. Erwin Piscator fut – l’ignoriez-vous ? – un fervent communiste stalinien, réfugié en U.R.S.S. pendant des années : cela n’offre qu’assez peu de garanties sur la lucidité de ce dramaturge allemand quant à la nature du régime soviétique, et quant au rôle de Pie XII, du Saint-Siège et de l’Église catholique face à la persécution des Juifs européens au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Il est cocasse de lire que cette œuvre interrogerait l’attitude du pape Pie XII, alors qu’elle n’en constituait, en 1963 – et n’en constitue encore –, qu’un procès à charge. Un procès aujourd’hui perdu à constater les progrès en matière historique enregistrés ces dernières années sur cette question et notamment de la part d’historiens et de chercheurs israélites. On songe au Pie XII et les Juifs du rabbin américain David Dalin, à la quête archivistique de la fondation américaine Pave the Way dirigée par des israélites, à l’historien israélien Pinchas Lapide, et, chez nous, à Serge Klarsfeld, fondateur de l’association Les fils et filles des déportés juifs de France.

Il nous a toujours semblé troublant – et nous voulons croire que vous partagerez notre trouble, même si la chose vous avait échappé –, que la besogne de Hochhuth, qui fut présentée sur à peu près toutes les scènes du monde et au moins, rituellement, une fois par an en Union Soviétique et dans tous les pays du Bloc de l’Est, n’eut jamais les honneurs d’un quelconque théâtre en Israël…

La raison en est simple. Les dirigeants du jeune État hébreu savaient parfaitement le rôle éminent que le pape Pie XII avait joué pour la préservation, autant qu’il était possible dans un contexte épouvantable, des Juifs européens, à commencer par les Juifs italiens. Des déclarations officielles et répétées, du vivant même de Pie XII, en attestent, pour ne rien dire de celles de hauts responsables internationaux de la diaspora israélite : Giuseppe Nathan, Léo Kubowitski, Congrès juif mondial, etc.

Était-il donc, à cet égard, utile à l’information des spectateurs d’aujourd’hui de leur proposer cette vision unilatérale et vicieuse qu’offre Le Vicaire ? La réponse est évidemment : non. Comme il ne serait pas davantage utile à l’information scientifique de nos concitoyens de leur proposer un traité du XVIIe siècle sur les « humeurs peccantes » ou un autre du Haut Moyen Âge sur la manière d’obtenir la « pierre philosophale ».

Dans l’énorme réservoir que constitue le répertoire dramatique classique, moderne ou contemporain, le choix de cet ouvrage n’est pas, et de manière patente, innocent. Il vous sera difficile de nous convaincre que la production que vous avez décidé de programmer sur votre scène, avec l’argent du contribuable parisien, n’est pas réfléchie, partisane et volontaire dans son propos de participer à une désinformation sur le rôle de Pie XII, du Saint-Siège et de l’Église catholique.

Désinformation qui est à l’origine même de l’opération « Le Vicaire » dont les prodromes remontent au 7 juin 1945 quand Radio Moscou inaugura la “légende noire” contre Pie XII lui imputant son « silence », voire sa complicité, dans le génocide des Juifs européens – ce qui ne manque pas d’audace venant de la radio du génocidaire Staline. Elle va s’épanouir avec l’opération « Siège-12 » montée par le général soviétique Aleksandr Sakharovsky, le patron du Premier directorat du KGB, et qu’un autre général KaGéBiste, Ivan Agayants, premier chef du Département D (Desinformatzia, désinformation), va “mettre en musique” en utilisant, après l’avoir fait arranger et remanier, la pièce de Hochhuth – dont la version originale eut occupé la scène sept heures d’affilée !

Il est confondant que le Théâtre 14 Jean-Marie Serreau, en 2011, participe à la revigoration d’un mensonge et d’un montage produits par la désinformation stalino-KaGéBiste à partir d’un pensum écrit par un Rolf Hochhuth dont la biographie mériterait d’être un jour approfondie tant elle est énigmatique, parcellaire et parfois troublante.

Pourquoi le Département Desinformatzia du KGB a-t-il “instrumentalisé” Hochhuth, sans attache connue avec des organisations communistes en Allemagne fédérale ? Pourquoi l’auteur du Vicaire s’est-il retrouvé, en 2005, au cœur d’une polémique dans ce même pays pour avoir osé déclarer que le négationniste David Irving était « un pionnier en Histoire moderne » et qu’il avait écrit « des livres magnifiques » ? Quelles sont exactement ses relations amicales et sa complicité intellectuelle avec le courant niant l’holocauste ? Nous avons essayé, sans succès, en 2007 d’en savoir un peu plus sur certaines de ces questions en s’adressant à lui. Nous attendons toujours ses réponses directes. Peut-être pourrez-vous nous éclairer…

Ce n’est donc pas « l’attitude du pape Pie XII » qu’il conviendrait « d’interroger », mais celle de Rolf Hochhuth à la fois dans l’instrumentalisation de sa pièce par la propagande KaGéBiste et sur ses convictions plus que douteuses sur la réalité de la Shoah. Voilà qui serait intéressant, mais cela n’est de toute évidence pas votre centre d’intérêt. Il semble que ce dernier se concentre uniquement à être l’auxiliaire d’une énorme désinformation soviétique visant à discréditer la personne du pape Pacelli. Ce faisant, vous insultez la sensibilité des catholiques et bafouez la vérité historique. Ce qui fait un peu beaucoup. Il est vrai qu’en matière de théâtre, la Ville de Paris semble, sur les scènes qu’elle subventionne, prendre désormais un soin tout particulier à offenser à répétition les chrétiens…
Nous vous demandons donc, Monsieur le directeur, quelles sont les mesures que vous entendez prendre pour documenter les spectateurs qui assisteraient aux représentations du Vicaire sur la réalité de l’état de la question, sauf à vouloir leur mentir unilatéralement par l’outil de propagande mensongère que constitue cette pièce ?

Il va de soi que nous vous invitons à utiliser cette « Lettre ouverte » à cette fin, et nous vous en autorisons la duplication pour l’information de vos spectateurs.
Dans cette attente, veuillez croire, Monsieur le directeur, à nos sentiments très attentifs…

Guillaume de Thieulloy, directeur de Riposte Catholique

Daniel Hamiche, porte parole de Riposte Catholique

vu ici : http://www.riposte-catholique.fr

 

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